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  • 16.08.2016

    Les Boys du Moulin Rouge : « On sortait tous ensemble dans des boîtes gays »

    • Description

      Par  - 14 août, 2016

      Les Boys du Moulin Rouge sont moins connus que les danseuses. Pourtant, ils sont de plus en plus présents sur scène. Rencontre avec leur meneur de revue.

      Le Moulin Rouge est une véritable institution parisienne. Créé en 1889 par Joseph Ollier et Charles Zidler, le cabaret se veut un lieu de divertissement où se mélangent tous les publics. C’est en ses murs que naît le fameux French cancan, dont les danseuses font rapidement la renommée à travers la France et dans le monde entier. Souvent imité, jamais égalé ; la réputation du Moulin Rouge n’est plus à faire. Il a vu passer en son sein des personnages illustres tels Henri de Toulouse-Lautrec, Mistinguett, Édith Piaf ou Line Renaud. Mais ce sont surtout ses danseuses qui font tourner la tête à la terre entière depuis plus de 120 ans. Mais qui connaît les Boys du Moulin Rouge ? Pourtant nombreux sur scène et de plus en plus mis en avant, ils font peu parler d’eux. Nous avons donc décidé de s’entretenir avec leur charmant meneur de revue pour en connaître d’avantage à leur sujet.

      Bonjour ! Peux-tu s’il te plaît te présenter à nos lecteurs ?

      Bonjour ! Je m’appelle Nicolas et je suis le meneur de revue des boys du Moulin Rouge.

      Tu as un joli accent. De quelle origine es-tu ?

      Je suis Roumain.

      Depuis combien de temps fais-tu ce métier ?

      Ca fait 16 ans que je suis danseur au Moulin Rouge mais j’ai commencé ce métier à l’âge de 8 ans avec des entraînements. À la base, j’ai une formation de danse classique. En Roumanie, j’ai dansé pendant deux ans pour l’Opéra national puis j’ai changé pour le cabaret.

      Tu as commencé à faire du cabaret en Roumanie ou tu es venu tout de suite en France ?

      J’ai changé en Roumanie. Donc, pendant une période, je faisais les deux. : à l’Opéra et en cabaret. Ensuite, j’ai complètement arrêté avec l’Opéra et je suis parti à l’étranger avec une troupe de cabaret parisienne.

      Et pourquoi tu as eu cette envie de changement ?

      La danse classique, c’était dans la famille. Mon père a été danseur classique. Il a même été directeur du corps du ballet de l’Opéra national de Roumanie. Ma sœur a également été danseuse ; elle a fait toute sa carrière à l’Opéra de Vienne. Donc, j’ai grandi avec toute cette ambiance : l’Opéra, la musique classique, les répétitions, le spectacle… Déjà arrivé à l’âge de 18 ans, je commençais à l’Opéra. L’enthousiasme était là mais on peut d’un moment c’était un peu répétitif. C’était un moment difficile en Roumanie, avec la transition, le passage du communisme à la démocratie. Le ministère de la Culture, ce n’était pas trop ça. On avait des conditions difficiles, sans trop avoir de satisfaction professionnelle. À ce moment là, il y avait l’ouverture vers les spectacles de cabaret, les défilés de mode, les télévisions privées qui ont ouvert : il y avait un vrai besoin de danseurs professionnels, sans pour autant avoir besoin de danseurs classiques. Mais bon, j’avais les qualités : l’âge, la condition physique et technique… Donc, je me suis lancé dans ce défi et ce fut un bon choix.

      les Boys du Moulin Rouge

      Donc, quand tu es arrivé en France, tu as commencé directement pour le Moulin Rouge ?

      En France, je suis arrivé pour passer le concours du Moulin Rouge. Je revenais d’un contrat d’un an en Corée du Sud, de quelques mois en Allemagne. Puis, il y a eu cette compagnie de production qui m’a offert cette opportunité, ainsi qu’à d’autres danseurs. Il n’avait plus de contrat pour nous mais la compagnie était au courant d’une audition au Moulin Rouge. Donc, je suis arrivé à Paris, avec les valises, prêt à repartir en Roumanie. J’ai passé les auditions avec un autre danseur roumain et ça tombait bien puisque le Moulin Rouge avait besoin de garçons tout de suite et comme on avait le profil, ils nous ont dit « demain vous commencez ! ». C’était une vraie surprise.

      Y’avait-il déjà des garçons au Moulin Rouge à cette époque ?

      Oui bien sûr ! Il y a toujours eu des garçons dans la revue. Dans ce spectacle, qui s’appelle « Féérie », il y a toujours eu des garçons. Pendant la période d’été, ils ont besoin de garçons pour assurer les congés des danseurs. Il y a aussi un certain turn-over : des danseurs qui veulent faire autre chose, qui ont d’autres opportunités, qui ne supportent pas le rythme… Donc, le Moulin Rouge cherche des danseurs et danseuses en permanence.

      Quel âge as-tu ?

      39 ans.

      Tu ne les fais pas ! (rires)

      Tu parlais des danseurs qui partaient ailleurs car ils ne supportaient pas le rythme. Le rythme est vraiment si intense ?

      Le spectacle nécessite des qualités techniques, physiques… On travaille six jours sur sept. On doit en plus s’entraîner nous même pendant la journée, tenir un certain niveau. Après qu’ils ne tiennent pas le rythme ou qu’ils décident de voyager, je ne sais pas… Après, quand on est jeune, on ne reste pas longtemps au même endroit. On a envie de découvrir de découvrir de nouvelles choses.

      Varier l’expérience et les plaisirs !

      En effet, on s’entraîne toute notre enfance et on peut dire qu’on sacrifie les meilleures années de sa vie, après on a envie de profiter au maximum et d’expérimenter de nouvelles choses, travailler avec des professionnels différents. Après, c’est vrai que quand on arrive au Moulin Rouge, on se demande comment on peut aller plus haut. Ça, c’est un argument ! Déjà, je ne pensais jamais arriver ici. Ensuite, il y a toujours eu un challenge. Peut-être que je peux devenir danseur soliste ou danseur principal… Ça a toujours été un défi, jamais la monotonie.

      Oui, ce n’est pas parce qu’on entre au Moulin Rouge qu’on fait toujours la même chose, j’imagine ! D’ailleurs, quel a été ton parcours au sein de cette prestigieuse maison ?

      J’ai commencé dans la ligne de garçons. Ensuite, j’ai commencé à remplacer les solistes, qui sont trois. Donc, cela implique d’apprendre trois rôles différents. Et après, j’ai appris le rôle du danseur principal, pour pouvoir le remplacer. À son départ, je suis devenu danseur principal donc il y a toujours eu une progression.

       

      Cette progression s’est faite sur combien d’années ?

      Ça m’a pris deux ans pour atteindre la place de danseur soliste et deux autres années pour avoir celle de danseur principal. Après, le défi c’est de rester au même niveau et d’améliorer les choses qui pouvaient l’être. Le public n’est pas le même tous les soirs. Donc, on doit donner le meilleur tous les soirs. C’est en soi un véritable challenge.

      On a aussi, en tant que la danseur principal, la possibilité de changer quelques petites choses alors que les danseurs dans la ligne doivent être assez uniforme et cohérent dans la cette ligne.

      Tu disais n’avoir jamais pensé travailler au Moulin Rouge. Ça représente quoi pour toi le Moulin Rouge ?

      Pour moi, c’est l’apogée d’une carrière de danseur de cabaret. On n’a aucun autre endroit à ce niveau là. Après, on a d’autres spectacles de cabaret à Paris, en Europe ou Etats-Unis. Mais le niveau et l’histoire qu’il y a d’ailleurs ne sont pas les mêmes.

      Donc, pour toi, le Moulin Rouge, c’est le meilleur cabaret : le plus reconnu et le plus réputé ?

      Oui ! Ne serait-ce que d’avoir une audition au Moulin Rouge, je me suis dit que je serai déjà fier de pouvoir dire que je l’ai fait.

      En soi, c’est déjà incroyable au regard du niveau que tu décris !

      Après, quand j’ai appris que j’étais gardé, je n’en revenais pas. (rires)

      Qu’est ce qui te plaît le plus dans ton métier ? Et dans le fait de travailler au Moulin Rouge ?

      Déjà d’être danseur. Même si c’était un peu imposé par les circonstances puisque dans la famille. C’est une histoire de famille. Devenir danseur de cabaret, ça m’a permis de découvrir un nouveau milieu, plus coloré, plus heureux que l’Opéra où il y a beaucoup de compétition. Il peut y avoir une répétition mais ça reste un univers incroyable pour travailler, pour ma part.

      La salle est différente, le public change, les collègues change…

       

      Le spectacle change tous les combiens de temps ?

      « Féérie » n’a pas changé depuis 2000. Il a commencé fin 99, je suis arrivé en avril 2000 et j’ai toujours fait le même spectacle. Le spectacle est un immense succès. On a deux représentations par soir, dans une salle de 900 place, et on est rempli tous les soirs. Il y a un investissement énorme derrière. Changer alors que ça marche… Je comprends que la direction puisse ne pas prendre ce risque.

      Avant ça changeait tout les combien de temps ?

      Avant, ça changeait tous les 3 ans, puis tous les 5 ans. Après, le spectacle précédent, « Formidable », a duré une dizaine d’années, peut-être 12. C’était déjà une vraie réussite mais avec « Féérie », c’est incroyable le succès !

      Au Moulin Rouge, on vient voir avant tout les danseuses. Les danseurs sont donc en retrait ? Comment ça se passe ?

      Pas du tout ! Souvent on s’attend à avoir les femmes devant ou à ce qu’il n’y ait pas d’hommes. Et ça, c’est quelque chose que j’aime à voir, quand le rideau s’ouvre, leur surprise : le visage des femmes qui sont dans la salle. Elles peuvent être un peu blasées de venir avec leur mari et finalement, elles se rendent compte qu’il y a aussi des hommes sur scène. D’ailleurs, on est même assez nombreux entre les garçons de ligne, les solistes cancan, les interprètes…

      On est vraiment mis en avant. Même si les femmes sont plus nombreuses, il y a un équilibre. Donc dire que les femmes sont plus mises en avant, je ne pense pas.

      Après, chacun voit le spectacle à sa manière mais moi je ne le ressens pas comme ça.


      Nicolas et sa femme Jolene, la meneuse de revue des danseuses du Moulin Rouge

      Ta femme est la meneuse de revue si j’ai bien compris ?

      Oui, on s’est rencontré ici. Elle est arrivée ici peu de temps après moi.

      Ce n’est pas trop difficile de vivre ensemble et de travailler ensemble ?

      Pas du tout ! Quand on arrive ici on fait la part des choses entre vie privée et vie professionnelle. En plus, on se croise très peu pendant le spectacle. Et pendant les répétitions, on est très concentrés donc, vraiment, ça ne pose aucun problème.

      A quelle heure commence votre journée ?

      Le spectacle est à 21h. On doit arriver à 19h30/20h mais on peut venir quand on le souhaite pour s’échauffer et s’entraîner. Il y a la salle de musculation et de répétition que tu as vu tout à l’heure.

      Oui ! J’ai bien regardé effectivement. (rires)

      On est assez libre. On peut s’entraîner tous les jours ou seulement tous les 2/3 jours. Tant que l’on reste en forme… Après, il y a aussi des répétitions imposées de temps à autres mais ce n’est pas tout le temps non plus.

      J’imagine que tu connais TÊTU !

      Oui bien sûr !

      C’est un milieu où il y a beaucoup d’homos ?

      Ça dépend des périodes. Il y a des périodes où ils sont majoritaires et d’autres où c’est plus équilibré. C’est très aléatoire. Mais, il y en a toujours un peu. Dans le monde du spectacle, ce n’est rien de très exceptionnel.

      Ça se passe bien ? Il n’y a pas de gêne dans les vestiaires ? (rires) Ou plus sérieusement de problèmes de discrimination ?

      Absolument pas ! Depuis que je travaille ici, je n’ai jamais vu ou entendu de problèmes à ce sujet. C’est un milieu très ouvert. Même chez les filles d’ailleurs car il n’y a pas que chez les garçons, chez les filles aussi il y a des lesbiennes. Vraiment ça ne pose aucun problème. On est habitué. Après, on fait des blagues, on s’amuse, c’est très ouvert.

      Aujourd’hui, j’ai 39 ans, deux enfants, mais avant on sortait tous ensemble, dans des boîtes gays. On se mélangeait, en toute tolérance.

      Même en dehors du travail, on a des amis qui sont gays. Ce n’est pas uniquement au travail et parce qu’on devrait être obligés de travailler avec eux…

      L’ambiance générale, sinon elle est bonne au-delà de ces questions ?

      C’est bon enfant. On se taquine mais franchement dans l’ensemble, ça se passe hyper bien, vraiment ! Moi, je suis danseur principal, j’ai ma place. Alors, peut-être à un autre niveau mais en tout cas moi je ne le sens pas. Quand je vais dans les loges parler avec les autres garçons, je ne sens pas de tension ou quoi que ce soit.

      Plus d’info sur le site du Moulin Rouge.

      http://tetu.com/2016/08/14/boys-moulin-rouge-interview/